Vous pensiez que j’allais vous parler de génies musicaux? Du dernier enfant prodige?
Et non, aujourd’hui, je vous parle d’un concept que je valorise de plus en plus dans l’enseignement, et même dans la vie de chacun de nous : la zone de génie!
Vous connaissez le concept de « zone de génie »? Ce qui est justement génial, c’est qu’on n’a pas besoin d’en être un…pour en avoir une!
Et oui, tout le monde a une (ou plus qu’une) zone de génie. Voici ma définition : une combinaison d’un état intérieur, de compétences et d’actions harmonisés, où tout est fluide, facile, aisé, où on est « vraiment hot » sans que nos efforts soient pénibles et fastidieux. Bref, quand on est aussi bien qu’un poisson dans l’eau, et qu’on ne voit pas le temps passer. Quand notre entourage nous dit : « Wow »! et qu’on voudrait répondre : « Pourtant, il n’y a rien là »…
Une zone de génie, c’est aussi unique pour chaque personne. C’est une combinaison qui ne peut se reproduire chez une autre personne. C’est une recette secrète où se mélangent nos talents, nos dons, nos goûts, notre motivation, nos rêves, notre personnalité, notre essence, notre bagage, nos expériences, avec un petit « je ne sais quoi » pour faire lever le tout, un peu comme la fameuse « poudre magique » pour les gâteaux!
La trouver peut être évident, comme voir un éléphant dans un magasin de tutus, ou mystérieux, comme découvrir l’origine des pyramides d’Égypte. Mais j’ai une piste pour vous : rappelez-vous quand vous étiez enfant! Observez vos propres enfants. En général, c’est quand on est ouvert, présent, dans le jeu et l’insouciance que notre vraie nature se manifeste. Et notre vraie nature, elle est bien plus vibrante quand on est enfant. Et notre vraie nature, elle est rarement modelable à tout ce que la société nous impose pour fitter, être productif, rentable, efficace, classable, bureaucratisable…
Sincèrement, de mon côté, je commence à peine à mettre le doigt dessus. À 38 ans, je découvre peu à peu ma vraie zone de génie… je peux vous partager où j’en suis présentement, en sachant que mes recherches vont continuer d’évoluer. Ma zone de génie, elle ne se situe pas dans la musique…du moins, pas uniquement dans la musique. Surprenant, non? Oui, je suis musicienne, oui, je suis enseignante de musique, oui, je suis directrice d’une école de musique, mais…
Ma zone de génie, elle se situe à l’intersection de mes autoroutes personnelles : quand je peux combiner l’artiste, la musicienne, la pédagogue, la communicatrice, la philosophe, la spirituelle, la maman, l’exploratrice et l’entrepreneure en moi. Quand toutes ces facettes se mélangent pour créer un tout complètement unique et nouveau, qui existe et prend forme pour redonner du bien-être, du plaisir et de la confiance à ceux qui reçoivent ce que j’ai créé. Que ce soit un cours, une conférence, une formation, un atelier, un programme, un article, une chanson, un spectacle…quand c’est « facile, fluide, et que je ne vois pas les efforts comme douloureux, et que je ne vois pas le temps passer », c’est quand ma création englobe toutes ces parties de mon être. Ce sont mes ingrédients, ma recette personnelle, et je viens récemment d’en prendre conscience.
La zone de génie, elle peut être dans tous les domaines, mais elle implique que l’on crée. Oui, oui, tout le monde crée! Même si c’est en mathématiques ou en prenant soin des enfants! On crée quelque chose d’unique, et on le fait avec une énergie « magique ». Et après, la vie, les gens, les choses, les situations ne sont plus tout à fait les mêmes après notre passage.
Le plus triste…c’est qu’on est rarement dans notre zone de génie. On ne la connait pas, on ne la reconnait plus, on n’a pas le temps, on se juge, on la dévalorise, parce qu’on fond…ce n’est pas si important, ça ne fait pas de différence pour personne, c’est une perte de temps. On fait, on exécute, on « to-do », on se dit « plus tard », et peu à peu, la flamme s’éteint, et on voit de moins en moins clairement, à l’intérieur et à l’extérieur de nous.
Et quel est le rapport avec les cours de musique? Et bien, c’est que c’est un excellent contexte pour la voir, cette zone de génie, et je ne parle pas de virtuose ici! Un exemple de zone de génie, ça serait par exemple un enfant qui a un don pour tout reconnaître à l’oreille, et trouver lui-même plein de pièces musicales. Il a du plaisir quand il le fait, il ne voit pas le temps passer, il s’installe lui-même au piano et y reste longtemps. Il est fier de montrer ses trouvailles à ses parents. Il a une énergie, une étincelle dans les yeux, une bonne estime de lui-même quand il est dans cette zone. Ça vient tout seul!
Un enseignant ou des parents, malgré leur bonne intention, pourraient se dire : comme il est très bon là-dedans, on va se concentrer sur autre chose, on va davantage travailler la lecture musicale, on va prendre plus de temps pour ce qui est plus difficile pour lui. Logique, non? Pourquoi passerions-nous du temps sur quelque chose qui est facile, instantané…presque sans mérite, surtout que les efforts n’en sont pas vraiment?…Alors on va prioriser la technique, le doigté, la lecture, la structure. On ne fera pas d’activités de trouver des pièces à l’oreille durant le cours, pas besoin, il est capable tout seul! Il n’a pas besoin d’un prof pour ça! Rapidement, la même chose va se reproduire à la maison : pas le temps d’exprimer son vrai talent musical, on a trop de choses techniques à faire, « le prof l’a dit », et les parents aussi trouvent que c’est du temps perdu..
Et peu à peu, la flamme s’éteint…
Et avec elle, l’énergie, la motivation, l’estime de soi, la confiance.
Parce qu’on est toujours replacé dans notre zone de non-génie, dans nos difficultés, dans ce qui est lourd, fastidieux…même plate!
Pourtant on fait de la musique, non? La musique n’est-elle pas un art, et comme un artisan, ne pouvons-nous pas explorer, manipuler, découvrir, essayer, créer avec la matière? On peut étudier la musique…mais sans oublier D’EN JOUER!
Oui mais, Émilie, on ne peut pas seulement jouer à l’oreille!
C’est plus complexe que ça. Mais si je veux résumer, c’est que, même s’il y a une multitude de choses, de connaissances et de compétences à développer pour être musicien, il faut se nourrir régulièrement à la source de l’élève, et non pas vouloir le remplir constamment de ce qui est extérieur et trop éloigné de lui.
Oui, faisons de la technique, de la théorie, du solfège…mais si la zone de génie de mon élève est de trouver lui-même des pièces à l’oreille, je peux faire un défi hebdomadaire avec lui, je peux lui demander un style musical différent à chaque cours, je peux lui partager la première pièce que j’ai trouvé à l’oreille quand j’ai commencé à jouer à 9 ans, je peux réserver les premières minutes du cours pour sa zone, et même à l’occasion prendre un cours entier!
Donc son don n’est plus réservé à lui seul, ou gardé comme récompense une fois sur dix, mais bien nourri, valorisé et utilisé comme moteur à la relation prof-élève et à l’apprentissage.
Je peux attiser la flamme de son don, pour connecter avec lui, pour le valoriser et ancrer sa confiance, et amplifier sa motivation. Ce carburant nous donnera de la vitesse pour faire le pont avec d’autres aspects importants dans l’apprentissage musical, et qui sont moins naturel pour notre élève, et que nous croyons nécessaires pour sa formation musicale.
Saviez-vous que Mozart, Beethoven, Liszt et la plupart des grands compositeurs classiques étaient d’incroyables…improvisateurs? Ils auraient battu bien des guitaristes de rock et de jazz de notre époque! Mais maintenant, pas le temps de créer de la musique dans les cours, parce que notre menuet de Bach n’est pas terminé, et on a la gamme à réviser, et l’étude, ah aussi l’exercice #38 à la page 57 du cahier C…
Dans ma philosophie, la musique doit être au service de l’élève et au service du professeur, et non l’inverse! La musique touche à toutes les facettes de l’être humain : corps, cœur, esprit, âme et relations! Elle est débordante de possibilités que l’on peut adapter à tous les besoins. Elle est une grande amie avec qui on peut évoluer main dans la main. Elle est une enseignante pour nous accompagner dans tous les défis de la vie.
Le prof aussi doit trouver sa zone de génie comme enseignant. Je connais des profs qui sont complètement géniaux devant un groupe…et endormant en leçons individuelles! D’autres qui ont besoin de constance et de stabilité pour être allumés, et d’autres qui doivent régulièrement entreprendre de nouveaux défis. En tant que prof, un travail sur soi est nécessaire, autant par respect pour soi-même, que pour nos élèves.
Chaque personne a sa zone de génie, et souvent, c’est en combinant plusieurs ingrédients qu’elle prend forme.
Justement, si on revient au cours de musique, notre élève pourrait avoir une zone de génie qui combine aussi le dessin, ou le sport, ou la cuisine, ou les voyages…C’est notre devoir de puiser à cette source sans fond, pour nourrir l’estime de soi, développer la confiance et cultiver la motivation. On a grandement besoin de carburant en vue des moments plus ardus, longs, confrontants, qui parsèment le chemin de l’apprentissage d’un instrument de musique (ou autre discipline).
Parce que des jeunes « Mozart », il y en a très peu. Et même Mozart finissait par s’ennuyer, et devait parfois accepter des contrats qui le faisait vraiment suer ! Lui aussi se nourrissait dans d’autres disciplines, et combinait ses « ingrédients secrets » pour créer ce que l’on peut véritablement appeler, sa zone de génie!
Observez vos enfants, observez vos élèves, reconnectez avec l’enfant et l’ado que vous étiez…et laissez la magie opérer !
On en a bien besoin, de magie! On serait tous gagnants que plus de gens sur cette Terre contribuent au bien-être global avec des étoiles dans les yeux, de l’estime, de la confiance et de la motivation!
Et oui, on peut créer de la magie grâce à la musique!
C’est ce que j’essaie de partager quand je suis dans ma zone de génie!
Un petit coup de baguette magique, ça vous irait?
Avec magie et musique,
Émilie xxx